Trop plein / tremplin
Voir et avoir.
Collecter à profusion une collection de certificats de vie.
Avoir vu / être vu, et rendre cet emprunt dans le cadre d’un espace couloir déambulatoire.

Traverser une tranche de vie ancrée dans l’excès de chair, de peau, et la perte de poids.
Au sol, marcher sur des œufs… ou se déchausser sur des images!
Rêverie de la matière, voir par les pieds, traversé par sa pesanteur dans ce contact inévitable, antithèse de la tête!
Sensibilité de la matière, exprimée dans le choix des papiers photographiques (le Kentmere et sa sensualité de chamois) ou dans les modes de présentation des images (le dépelliculage polaroïd et la crudité du transfert sur la peau).
Et sur les murs, les traces, les résidus d’une jeunesse en abîme dans la recherche de soi au travers de son corps parfois mutilé ou du corps des autres quelque fois idéalisé.
Être prêt, être près, très près, dans le parfum de leurs cheveux, de leurs bouches, quelques fois de leurs yeux, de leurs objets, d’une chaise vide ou d’un peu de rien.
Être dans la lumière, celle qui dessine délicatement le contour de Lola ou celle qui luit et éblouit jusqu’à l’émoi, être dans la profondeur du noir et dans le jaillissement de la couleur.
Embrasser par la photographie des jeunes, hommes et femmes, qui s’embrassent, qui s’enlacent, qui s’endorment et se réveillent, l’expression du désir d’un monde ténu, à distance.
Règlement de compte et mise au point, convier les personnages à se revoir.
Un mot d’amour (« je vous aime » 1998), une lettre à la mer, une bouteille de lumière, des écrits récurrents, des cartes postales envoyées de là-bas pour ceux d’ici, des gens qui voyagent dans leur tête ou dans leur corps, à ceux qui ne cernent pas pourquoi ce besoin, cette inquiétude d’être ici avec vous, ce « comment être » qu’on enseigne nulle part, qui s’expérimente parfois dans la douleur et qui souvent n’a plus d’existence dans ce monde de la communication vide et creuse.
Alors on crie, on en remet, plus et trop, on ne sait pas choisir, on ne veut pas choisir. Et régulièrement des perles, enfouies dans ce déferlement, tantôt des images seules, tantôt des séries entières.
On met et remet tout, jusqu’au débordement, que ça devient gros, un ventre gros et rond et puis d’un coup plus rien.
La première image que m’a montrée benjam ce mercredi après-midi, c’est celle de sa cousine avec son compagnon, dans sa maternité, ce passage obligé, cette délivrance (r)assurée.
Par ce refus de choisir, de sélectionner, de construire un travail photographique au profit de cette autobiographie obsessionnelle, humaine et attentionnée, benjam s’est élancé.

Alain Janssens 31 mars 2011